De la grippe espagnole à la COVID-19

Une pandémie de coronavirus frappe durement l’humanité. Au moment d’écrire ces lignes, deux cent millions de personnes sont infectées et plus de deux millions en sont mortes. Au Québec, on compte quelque 200 000 personnes infectées et plus de 8 000 décès, dont plus d’une centaine en Outaouais. Cet événement, qui touche également la Vallée-de-la-Gatineau, rappelle une autre grande tragédie. C’est celle de la grippe espagnole de 1918.

Un siècle plus tard, nous devons faire face aux mêmes peurs et incertitudes. Cependant, nous sommes bien mieux informés dans les médias et la médecine a fait des progrès énormes depuis le début du XXe siècle. Par exemple, il n’y pas eu de vaccins pour la grippe espagnole, alors qu’ils ont été développés rapidement pour ce coronavirus. De plus, à l’époque, les États interviennent peu dans l’économie et la prévention demeure presque inexistante. Pire, des entreprises proposent dans les journaux des remèdes alambiqués.

Mesures à prendre pour prévenir la grippe espagnole, dont ce remède alambiqué proposé par la Société des eaux purgatives Riga, qui certifie que la maladie attaque surtout les constipés! (Image : La Presse)

Profitons de la tourmente de la COVID-19 pour faire un rappel de l’histoire de la grippe espagnole. Comment notre région a-t-elle traversé cette grande crise sanitaire?

L’origine de la grippe espagnole

On ne connaît pas l’origine exacte de la grippe espagnole. Elle aurait pris naissance au Moyen-Orient. À l’automne 1917, au cœur de la Première Guerre mondiale, les Allemands la signalent sur le front de l’Est en Russie. Le virus apparaît en Allemagne et en France en avril 1918. On sait qu’elle devient mortelle aux États-Unis à la mi-septembre 1918 où les premiers cas sont signalés dans les camps militaires. La grippe se propage ensuite à une vitesse folle partout sur le continent.

La population européenne, très affaiblie par quatre ans de guerre, subit des pertes plus grandes que celle de l’Amérique du Nord. De l’Europe, des bateaux partent vers l’Afrique, l’Amérique du Sud, les Indes, la Chine et l’Océanie, avec, à leur bord, des marins grippés. La pandémie devient planétaire.

Sur une population mondiale estimée à 1,9 milliard, on évalue à plus d’un milliard le nombre de personnes atteintes par ce virus. Les chercheurs ont fixé le nombre probable de décès à plus de 30 millions, mais certains vont jusqu’à évoquer le chiffre de 50 millions, voire 100 millions. Au Canada, on parle de quelque 50 000 morts, dont 13 800 au Québec.

La grippe frappe l’Outaouais

En Outaouais, la pandémie fait son apparition à Hull et dans les villes voisines au début octobre, puis se répand jusque dans la Haute-Gatineau.  Au départ, les autorités médicales ne mesurent pas toujours bien la dangerosité de la grippe, mais les municipalités réagissent rapidement en fermant les écoles, les théâtres et les lieux publics.

Fait intéressant, contrairement à Ottawa, les églises restent ouvertes à Hull. Le journal Le Droit, qui appartient aux Oblats, affirme que : « les meilleurs remèdes contre la grippe, c’est le prêtre qui les apporte ». Malgré cette affirmation, à Maniwaki, aucune messe n’est célébrée pendant la pandémie à l’église de L’Assomption.

L’influenza fait une vingtaine de morts dans la région de Maniwaki. On ne connaît pas le nombre de victimes pour la Vallée-de-la-Gatineau. On sait par contre que dans le comté d’Ottawa (Outaouais), 10 936 personnes sont affectées et 378 en meurent. En fait, le cinquième de la population du comté est touché, ce qui représente un peu plus que la moyenne québécoise à 17,4 p. 100, mais bien peu à comparer à d’autres régions. C’est le cas du comté d’Arthabaska, qui voit près de 65 pour cent de ses habitants atteints.  

Bref, la grippe espagnole sème la terreur en octobre en Outaouais et dans la Vallée-de-la-Gatineau. Toutefois, au début de novembre, on ne compte presque plus de morts et le calme revient à la fin du mois.  Cela dit, cette période terrifiante restera gravée dans les mémoires des gens pendant très longtemps. En fait, la grippe espagnole était jusqu’à la COVID-19 la référence pour les pandémies de la période moderne.

Voir Raymond Ouimet, « La grippe espagnole à Hull » dans Hull : mémoire vive, Hull, Asticou, 2000, p. 26-45.

Par Michel Prévost, D.U. président de la Société d’histoire de l’Outaouais