La Maison Charron : le plus ancien bâtiment

L’Outaouais compte peu de bâtiments qui datent de la première moitié du XIXe siècle. La plupart ont été démolis ou incendiés. Heureusement, quelques maisons ont défié le temps, particulièrement la Maison Charron, dans le parc Jacques-Cartier, à Gatineau. Cette maison ancestrale s’avère aujourd’hui la plus ancienne construction du secteur Hull. 

La Maison Charron est construite en 1827 par François Charron. Ce dernier est né en 1800 à Saint-Benoit, dans les Laurentides, et arrive dans la seigneurie de la Petite-Nation en 1810. Il vient toutefois tenter sa chance à Hull avec sa femme Sophie Barbe et ses deux enfants. Malheureusement, ce sera un très mauvais choix.

En effet, Charron érige sa maison sur un lot qui appartient à Philemon Wright, le fondateur du canton de Hull. Il n’arrive pas à payer le loyer pour le terrain et perd sa résidence en 1829. Wright lui donne toutefois un dédommagement pour sa maison.  

La maison Charron abrite aujourd’hui l’Association des auteurs de l’Outaouais (Photo: Yves Lusignan)

Par la suite, Charron va errer avec sa famille en Outaouais. Veuf, il se remarie en 1857 avec une jeune femme de 19 ans, Angélique Lepage. François Charron meurt à Pointe-Gatineau à l’âge vénérable de 87 ans et laisse une nombreuse descendance.

Nouveau propriétaire

En 1836, Jean-Baptiste Poupart, qui occupe les lieux, ajoute une nouvelle partie à l’ouest qui s’intègre bien au bâtiment d’origine, sauf pour les lucarnes de la façade en face de la rivière des Outaouais. Incapable de payer la rente pour le terrain, Poupart perd lui aussi sa maison cinq ans plus tard, mais dans son cas, ce n’est pas dramatique, puisqu’il deviendra par la suite un important marchand de bois dans le Pontiac.  

En 1892, la petite-fille de Wright, Nancy-Louisa Wright-Scott, loue la maison à une firme de construction navale installée tout près, la Ottawa Transportation Company (OTC), qui l’utilise pour son administration.  Il y a un chantier naval à cet endroit dès 1819 et depuis les années 1850, les alentours de la résidence sont envahis de quais et de chantiers de bateaux.

La OTC achète la propriété des descendant de Philemon Wright en 1912. La compagnie cède en 1941 sa propriété à la Commission de la capitale nationale (CCN) pour l’intégrer au parc Jacques-Cartier. Laissée à l’abandon, la maison historique est incendiée par un pyromane en 1984. À la suite de ce triste sinistre, la CCN restaure soigneusement le bâtiment.   

Après la fusion du Grand Gatineau en 2002, la Société d’histoire de l’Outaouais identifie la Maison Charron comme l’un des dix coups de cœur du patrimoine du secteur Hull.

Après divers locataires, l’Association des auteurs et de auteures de l’Outaouais (AAAO) s’y installe en 2006 et renomme la résidence presque bicentenaire, la Maison des auteurs.

Une architecture rare en Outaouais

La Maison Charron possède un style architectural très rare en Outaouais. En effet, de style québécois, cette maison rappelle beaucoup plus les résidences des pionniers français de la vallée du Saint-Laurent que celles de la vallée de l’Outaouais. Elle se distingue par sa construction en pierre, aujourd’hui recouvert d’un crépi blanc, ses cheminées intégrées à la structure et par sa toiture à deux versants droits. Le bâtiment frappe aussi par sa dimension très modeste.

La Maison des auteurs est accessible au grand public. Venez y découvrir plusieurs photos d’archives et des éléments du patrimoine, comme les foyers en pierre, l’âtre en brique de la cuisine et une rareté en Outaouais, un évier en pierre avec un drain pour évacuer l’eau à l’extérieur.  

Voir : Michael Newton, « La Maison Charron : symbole d’une vision contrariée », Outaouais Le Hull disparu, HIRO, 1988, p : 11-15.