La résurrection des croix de chemin

Au Canada, les croix de chemin sont associées à la présence des francophones. C’est au Québec où l’on en compte le plus avec environ 2 500. On en trouve aussi une centaine en Ontario français, dont la moitié dans les Comtés unis de Prescott et Russell, une trentaine au Nouveau-Brunswick et une vingtaine au Manitoba. C’est peu à comparer à autrefois.

Une tradition séculaire

La tradition des croix de chemin vient de France. Les premières sont plantées au Moyen Âge par des moines chrétiens. Les Français amènent en Nouvelle-France la coutume d’élever une croix en signe d’appartenance à la foi catholique. Dans la deuxième moitié du XIXe et au début du XXe siècle, de nombreux Québécois quittent pour l’Ontario où ils poursuivent, jusqu’au début des années soixante, la tradition de planter des croix.Par la suite, avec l’urbanisation, l’élargissement des routes et la baisse de la pratique religieuse, on cesse d’en élever de nouvelles. Faute d’entretien, leur nombre décroît rapidement dans l’indifférence.
Les croix de chemin sont d’abord fabriquées en bois et blanchies et par la suite en fer forgé, en métal et en béton. Elles mesurent entre cinq et six mètres, mais leur apparence varie beaucoup. Certaines se limitent d’un poteau et d’une traverse alors que d’autres exposent plusieurs symboles de la crucifixion du Christ : lance, échelle, éponge, marteau, pince et trois clous. Certaines sont coiffées d’un coq et d’autres possèdent une niche qui renferme une statuette de la Vierge Marie.

Témoins de la foi

Les croix sont plantées avant tout pour répondre à la foi. Elles servent de protection divine pour les cultivateurs qui demandent de bonnes récoltes et l’absence de sécheresse, de grêle et d’invasions d’insectes. Dans d’autres cas, on installe ces croix pour remercier le ciel pour une faveur obtenue. Il s’agit d’un ex-voto. D’autres sont érigées pour commémorer une personne ou un événement important.

Les croix de chemin peuvent aussi servir de bornes. À une époque où les adresses d’immeubles et les noms de rangs ne sont pas indiqués, elles guident le voyageur. À certains endroits, ces monuments servent à délimiter les paroisses.

Les rituels

Croix de chemin, Fassett, Petite-Nation
Croix de chemin, Fassett, Petite-Nation

Il existe plusieurs rituels associés à ces croix. Ainsi, après sa construction, le curé la bénit en présence des voisins. Lorsque l’on passe devant, on fait un signe de la croix et on prononce une prière. Certains remplacent la messe par des prières à la croix.

C’est en mai, le mois de Marie, que l’on fréquente le plus l’endroit.

Les campagnards se déplacent à la croix pour prier la Vierge Marie et déposer des fleurs. En outre, les jours de mai, la maîtresse ou le maître amène leurs élèves à la croix pour prier. C’est ce qui explique que l’on voit souvent une croix près de l’école
de rang. C’était aussi un endroit où on échangeait les nouvelles et où on rencontrait les voisins.

La croix de chemin de Ripon, dite la croix des Grosleau située sur le chemin du lac du même nom,  a toute une histoire. Lors d’une période de forte sécheresse en 1908, le curé de la paroisse de Ripon fait le tour des croix de chemin de tous les rangs en procession pour implorer la protection du Tout-Puissant. Quelques jours plus tard, le curé se rend en procession sur la site de la première chapelle, bénit la croix de Ripon nouvellement érigée et procède à un rituel spécial pour exorciser les sauterelles et autres insectes nuisibles qui ont envahi les champs des cultivateurs. La pluie tombe par la suite. Miracle !

Le renouveau des croix de chemin 

Après 1960, l’avenir semble bien sombre pour les dernières croix de chemin, mais un vent de renouveau apparaît au tournant du XXIe siècle, alors que l’on se mobilise pour les préserver.

En Outaouais, c’est dans la Petite Nation où on retrouve le plus de croix de chemin. On a d’ailleurs produit en 2015 un inventaire. À Papineauville, c’est la municipalité qui s’occupe de leur entretien. À Saint-André-Avellin, c’est la société historique de l’endroit qui en a la responsabilité.

Tout comme les églises et les calvaires, les croix de chemin s’inscrivent dans le patrimoine religieux. Plus on en parlera, plus on pourra préserver celles qui subsistent encore de nos jours.

Michel Prévost, Société d’histoire de l’Outaouais