Depuis plus de 130 ans, le clocher de la magnifique église Saint-François-de-Sales domine le confluent de deux cours d’eau historiques, la rivière des Outaouais et la rivière Gatineau. Le lieu de culte actuel voit le jour en 1886. Il remplace une chapelle érigée après la fondation de la paroisse en 1840.
L’église de Pointe-Gatineau doit sa beauté au chanoine Georges Bouillon. Il est bien connu des deux côtés de la rivière des Outaouais au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle pour ses talents de prêtre-architecte. En plus de l’église Saint-François-de-Sales, c’est lui qui est, entre autres, responsable du décor architectural de la basilique-cathédrale Notre-Dame d’Ottawa. C’est aussi le cas pour de nombreuses églises et presbytères de l’Outaouais, notamment à Aylmer, Hull, Buckingham, Luskville et Papineauville.
L’église érigée en quelques mois est bénie en 1887 par le premier archevêque d’Ottawa, Mgr Joseph-Thomas Duhamel. Faute d’argent, son intérieur n’est pas achevé. Le prélat souhaite toutefois la fin prochaine des travaux. Une campagne de financement rapporte 7000 dollars. C’est une somme considérable à l’époque compte tenu des revenus modestes des paroissiens. La Fabrique fait de nouveau appel aux services du chanoine Bouillon pour la décoration intérieure. Les travaux sont effectués en 1902 et 1903.
La riche décoration intérieure
Pour l’ornementation de l’intérieur, Bouillon choisit une voûte en éventails. C’est une mode développée Grande-Bretagne au cours des XVe et XVIe siècles qu’il a aussi utilisée dans la chapelle du Couvent de la rue Rideau que l’on peut admirer au Musée des beaux-arts du Canada. L’artiste peintre Toussaint-Xénophon Renaud est bien connu entre 1896 et 1944 pour avoir décoré plus d’une centaine de cathédrales, églises et chapelles au Québec, en Ontario et aux États-Unis. Il collabore pour donner de la splendeur à l’édifice religieux. En plus de sa voûte, le lieu de culte attire le regard en raison de son maître-autel et sa chaire surmontée d’un baldaquin de style gothique. C’est sans parler de son orgue conçu en 1917 par les facteurs de réputation internationale, Casavant et Frères de Saint-Hyacinthe.
La cloche de l’église, dont le poids atteint 1460 livres, cache une belle histoire. Elle est bénie en 1897 en raison d’un événement impliquant la comtesse Aberdeen, l’épouse du comte d’Aberdeen, gouverneur général du Canada de 1893 à 1898. Aimant rendre visite au curé de la paroisse Saint-François-de-Sales, Isidore Champagne, Lady Aberdeen tombe dans les eaux glacées de la rivière. Des villageois de Pointe-Gatineau sauvent alors la vice-reine. Le gouverneur général les récompense deux ans plus tard en remettant une grosse cloche à leur paroisse. Le pont Lady-Aberdeen, voisin de l’église et du lieu qui aurait pu devenir une tragédie, est d’ailleurs nommé en l’honneur de cette vice-reine.
Un patrimoine sévèrement altéré
Malheureusement, une série de travaux effectués au cours la deuxième partie du XXe siècle modifie considérablement l’intérieur du lieu de culte. Plusieurs attributs patrimoniaux sont retirés, dont la balustrade, les autels latéraux, le maître-autel, la chaire et son superbe baldaquin. De plus, en 1960, les œuvres du peintre T.-X. Renaud sont totalement effacées du décor.
Cela dit, l’extraordinaire plafond sculpté en boiserie laminée de feuilles d’or et les colonnes demeurent intacts et impressionnent toujours, surtout depuis la restauration effectuée à la fin des années 1990. La Société d’histoire de l’Outaouais souligne en 1998 la qualité de ces travaux en remettant à l’église Saint-François-de-Sales son premier prix Orange du patrimoine.
Par ailleurs, la Fabrique reçoit au cours des dernières années des subventions considérables du Conseil du patrimoine religieux du Québec, particulièrement pour la réfection de l’immense toiture de l’église.
Ce témoin de notre patrimoine culturel est protégé pour les générations à venir, puisqu’en 1996, l’ancienne Ville de Gatineau crée un site du patrimoine afin de préserver ce quartier historique qui a vu naître Pointe-Gatineau.
Une oeuvre remarquable
En somme, c’est à Gatineau que l’on peut admirer l’une des plus belles œuvres du célèbre prêtre-architecte Georges Bouillon. Bien que l’intérieur ait été considérablement modifié au fil des ans, l’église Saint-François-de-Sales demeure toujours un des plus beaux joyaux du patrimoine religieux et architectural de l’Outaouais.
Par Michel Prévost, D.U., président de la Société d’histoire de l’Outaouais.