Le Jour de la Terre

La Terre dit aux humains : entrez donc vous réchauffer et manger autour de la table. Vous semblez fatigués.

Les humains, tout contents, s’installèrent en attendant leur assiette.

D’autres cognèrent à la porte. « Il paraît que vous servez tout le monde », dit le plus fanfaron du groupe. Et la Terre de répondre : « Bien sûr, entrez, prenez une chaise, installez-vous autour du feu et de la table. Ma porte est ouverte. On va se tasser un peu. Quand il y a en a pour 1000, il y en a pour 10 000. »

Puis la nouvelle commença à faire le tour de la planète. On disait que la Terre accueillait tout le monde. Et le monde se mit à affluer. La Terre trouvait que ça commençait à faire pas mal de monde dans la maison, mais elle aimait les grosses familles. « On se tassera encore plus. On sera coude à coude. Installez-vous. La terre, celle avec une lettre minuscule, produit suffisamment pour tout le monde. »

Une fois rassasié et après avoir socialisé, tout le monde demanda à la Terre une deuxième portion. La Terre commença à douter. « Écoutez, soyez raisonnables. La terre produit beaucoup, mais il faut qu’elle se repose un peu quand même. »

La Terre vu de la Lune

Certains autour de la table commencèrent à maugréer. La Terre, d’ordinaire si patiente avec les humains et leurs frasques, montra des signes d’impatience.

Les quatre saisons lui avaient déjà rapporté que les humains étaient parfois malcommodes, au point qu’elles avaient commencé à changer leurs habitudes. Elles avaient même changé leur parcours pour ne plus être aussi prévisibles. Pour ne plus que les humains les attendent dans le détour.

« On a appris aux humains qu’ils étaient sur Terre pour dominer toutes choses sur terre. Alors, tu nous sers et tu la fermes! » ordonna le plus vulgaire.

« Les humains ont besoin de la Terre. Tu es à notre service ! », hurla un autre avec du feu dans les yeux. C’était un tyran. Il avait l’habitude de se servir sans demander la permission.

Et la Terre de répondre : « C’est vrai que vous avez besoin de moi pour vivre. Mais moi, je n’ai pas besoin de vous pour continuer à tourner autour du soleil. »

Sur ces paroles, les humains commencèrent à se sentir malades. Dans leur empressement à se servir et se faire servir, ils avaient oublié de fermer la porte. Les courants d’air en profitèrent. Les saisons se déchaînèrent. La Terre, occupée aux fourneaux qui fonctionnaient déjà à plein régime pour contenter tout le monde, pensait que quelqu’un allait finir par se lever pour fermer la porte aux pique-assiettes.

Un enfant qui passait par là compris le drame qui se jouait sous ses yeux. Il se précipita, ferma la porte et remit un peu d’ordre. La Terre, pour le remercier, lui donna le mandat de rétablir l’ordre des choses. Les courants d’air s’envolèrent porter la nouvelle en coup de vent aux quatre coins de la Terre. Les quatre saisons acceptèrent de reprendre leurs vieilles habitudes pour redonner espoir aux jeunes générations. Et le temps, qu’on avait un peu oublié parce qu’il n’était jamais pressé, fit son œuvre à son rythme.

Yves Lusignan

Jour de la Terre, 22 avril 2022