Les ponts couverts : les derniers toits des rivières de l’Outaouais

En parcourant l’Outaouais, on voit encore quelques ponts couverts. Pourtant, autrefois, on en comptait une centaine et plus de mille au Québec. Aujourd’hui, on en retrace moins de dix en Outaouais et 87 au Québec.

En Amérique du Nord, le premier pont couvert est construit en 1805 à Philadelphie. Ce sont les loyalistes américains qui importent au Québec ces structures vers 1820. À travers le monde, il reste environ 1 300 ponts couverts, dont environ 850 aux États-Unis.  

En Outaouais, les ponts rouges apparaissent dans la deuxième moitié du XIXe siècle. La plupart sont toutefois construits au début du XXe siècle avec la colonisation et pendant la Grande Crise des années trente. On cesse d’en construire après la Seconde Guerre mondiale. Ici, le dernier est érigé en 1958 à Sainte-Cécile-de-Masham.

Les ponts rouges ne sont pas construits pour embellir nos paysages, mais pour protéger la base en bois. Un tablier exposé au soleil et aux intempéries dure une vingtaine d’années, alors que celui bien entretenu par un toit peut survivre une centaine d’années.

Une fois le tablier protégé, il faut entretenir la structure au-dessus avec de la peinture. Pendant longtemps, la pigmentation rouge demeure le choix de couleur le plus économique. De plus, mélangée avec de l’huile, cette base offre une excellente protection contre les intempéries. Bref, un grand nombre de ponts sont de couleur rouge, d’où l’expression « ponts rouges ».

Les ponts couverts disparaissent

Un vent de changements frappe le Québec après la Seconde Guerre mondiale. Cette période de progrès est catastrophique pour les ponts rouges, puisque la construction de nouvelles routes plus larges pour les camions et la modernisation du réseau routier conduisent à leur disparition.

Quant aux ponts couverts qui échappent à la modernisation, ils sombrent dans l’oubli et on cesse de les entretenir. D’autres sont emportés par la crue des eaux ou sont détruits par la foudre, alors que certains sont victimes d’incendies criminels. L’Outaouais est particulièrement touchée, puisque la destruction en 1970 du pont de Val-des-Monts se révèle l’un des premiers cas documentés au Québec. Dans les années 1980, c’est au tour du pont Gendron à Wakefield (reconstruit par la suite) et du pont Bowman à Val-des-Bois de connaître le même sort. 

Le pont couvert de Wakefield a été reconstruit par des bénévoles, après avoir été la proie des flammes.
Le pont couvert de Wakefield a été reconstruit par des bénévoles, après avoir été la proie des flammes. (Photo: Yves Lusignan)

Des joyaux à préserver

Au Québec, le premier mouvement de préservation documenté d’un pont couvert se trouve chez nous. Le conseil municipal de Mansfield-et-Pontefract décide en 1963 de démolir le pont Félix-Gabriel-Marchand, en mauvais état. On veut donner du travail aux chômeurs pendant l’hiver, mais des citoyens s’y opposent et lancent avec succès une campagne de financement pour le restaurer.

Au Québec, les premières mesures arrivent en 1966 avec la publication par le gouvernement d’une liste officielle de tous les ponts couverts. On en compte 245. En 1981, le ministère des Affaires culturelles réalise une étude sur ces biens patrimoniaux et procède dans les années suivantes aux classements de six ponts couverts. Deux en Outaouais reçoivent la plus haute protection, dont le pont F.-X.-Marchand.

La même année, le ministère des Travaux publics met sur pied un programme de signalisation routière. Les voyageurs découvrent des ponts isolés tombés dans l’oubli. Si le gouvernement intervient enfin, c’est sans doute grâce à la Société québécoise des ponts couverts créée en 1981 et disparue au début des années 2000.

Pont couvert du ruisseau Meech. (Photo : Yves Lusgnan)

Une décision capitale arrive en 1992 lorsque Québec impose un moratoire sur la démolition des ponts couverts et instaure un programme financier de restauration. Il faut reconnaître qu’il existe maintenant une plus grande sensibilité à l’égard de nos derniers ponts couverts. Ils font désormais partie de nos paysages et sont devenus un outil touristique. Cela dit, les ponts couverts demeurent une richesse rare et fragile. Soyons vigilants.  

Par Michel Prévost, D.U., président de la Société d’histoire de l’Outaouais