L’économie de la Basse-Lièvre au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, repose essentiellement sur l’industrie forestière et sur l’agriculture. Un autre secteur est aussi bien présent, mais beaucoup moins connu, celui de l’industrie minière.
Bien sûr, les mines n’occuperont jamais la même importance que le bois et l’agriculture. Il est toutefois intéressant de rappeler que l’on a exploité pendant une centaine d’années des mines dans la Basse-Lièvre, notamment de phosphate, de mica, de graphite et surtout de feldspath.
Les mines de phosphate et de mica
Bien que l’on connaisse l’existence de mines en Outaouais dès le XVIIIe siècle, l’exploitation minière ne commence que dans les années 1870, notamment avec les mines de phosphate dans la Basse-Lièvre. Ce minerai attire l’attention internationale, malgré la forte concurrence des États-Unis. Ce secteur minier contribue au développement de municipalité de Notre-Dame-de-la-Salette où on extrait le minerai du sol. C’est aussi le cas à Buckingham, où plusieurs petites usines de transformation voient le jour dans les années 1880.
Le phosphate est surtout utilisé comme engrais et son extraction dans la Basse-Lièvre connaît son apogée entre 1875 et 1895. Par exemple, on extrait 31 750 tonnes de phosphate à la mine Emerald, située dans le rang 12, à Buckingham. Dans la petite municipalité de Portland, aujourd’hui Notre-Dame-de-la-Salette, 200 mineurs travaillent à la mine de phosphate. Il s’agit d’un employeur très important pour cette petite municipalité.
Malheureusement, l’âge d’or de l’exploitation du phosphate dans la Basse-Lièvre ne dure qu’une vingtaine d’années. Dans les années 1890, presque toutes les mines de phosphate ferment. En fait, seule Buckingham continue à profiter de cette ressource avec trois petites usines de broyage. En 1896, une compagne de produit chimique, la Electric Reducton Co. s’établit dans la capitale de la Basse-Lièvre. Cette compagnie utilise, entre autres, le phosphate pour la fabrication d’allumettes. Cela dit, après 1894, le phosphate est extrait dans la région comme sous-produit du mica. Ce minerai qui déclenche une prospérité temporaire dans la Basse-Lièvre. Le mica est reconnu comme un isolant très fiable et joue un grand rôle avec l’arrivée de l’électricité.
Le graphite
Le graphite, employé surtout dans la fabrication des crayons, est exploité commercialement à Buckingham au début du XXe siècle. Plusieurs mines sont en activité entre 1906 et 1930. Des sommes importantes y sont d’ailleurs investies par des entrepreneurs audacieux. Ils tentent d’améliorer les procédés de concentration de minerai afin de rentabiliser l’exploitation des mines de la Basse-Lièvre. Par exemple, la Quebec Graphite Co. extrait le minerai dans le canton de Buckingham et construit un moulin d’une capacité de 40 tonnes de minerai par jour. Cette mine est en opération de 1912 à 1920. Avant sa fermeture, elle emploi une douzaine d’hommes à l’intérieur du moulin et 25 à l’extérieur. Il y a plusieurs mines et moulins de concentration de graphite de ce genre dans la région, dont certains sont très imposants.
Le feldspath
L’exploitation du feldspath est terminée depuis quelques décennies dans la Basse-Lièvre et on n’a oublié le rôle important qu’il a joué dans le secteur de Buckingham, jadis la capitale canadienne du feldspath avec 90 pour cent de la production au pays. Cette ressource naturelle est employée dans la fabrication des dents artificielles, mais demeure surtout utilisé par l’industrie de la céramique, qui s’en sert pour glacer la porcelaine. Le produit est surtout exporté brut vers les États-unis. Par contre, à partir des années 1920, le tiers est traité à l’usine de la Canadian Flint and Spar, plus tard de la International Minerals de Buckingham.
En fait, comme le souligne bien l’historien et archiviste Pierre Louis Lapointe, le feldspath est le seul minerai qui a une influence sur la vie économique de Buckingham pendant une longue période. De 1920 à 1972, ce minerai est réduit en poudre dans la métropole de la Basse-Lièvre. Ainsi, il donne de l’emploi aux mineurs qui exploitent les mines Derry et Back, situées à une quinzaine de kilomètres au nord de la ville, et au personnel de l’usine de Buckingham dont la production est exportée partout dans le monde. On estime que près d’un million de tonne de feldspath seront extraits de la mine Back pendant près d’un demi-siècle.
L’International Minerals and Chemicals Co. ferme toutefois sa mine en 1972 en mettant à pied ses 25 derniers employés. La découverte en Ontario de gisements de syénite, riche en feldspath, motive cette fermeture et met ainsi fin à un siècle d’exploitation minière dans la Basse-Lièvre.
Michel Prévost, D.U., président de la Société d’histoire de l’Outaouais et archiviste en chef de l’Université d’Ottawa
Pour en savoir davantage, visitez le site de la Société d’histoire de Buckingham: http://www.histoiredebuckingham.com/